Bonjour chers lecteurs,
Le but de mon blog, de mes récits a toujours été de vous exprimer au mieux ma passion pour le trail, de mettre les mots les plus justes possibles sur le vécu d’un moment, d’une course afin de vous plonger au cœur de mes ressentis. J’essai d’être à chaque fois le plus objectif possible, de retranscrire ma course de l’intérieur, ma forme physique, performance, l’organisation, la beauté du site, mes joies et déceptions. Aucune place à l’imaginaire, à la romance, au formalisme…Et pourtant à la lecture de mes derniers récits il ne serait pas étonnant que vous fassiez un parallèle entre mes histoires et un roman d’aventure dramatique !!!
Il n’est pas facile de garder le moral quand les épreuves se suivent et se soldent par des déceptions. Je suis d’un tempérament assez positif mais la loi des séries commence à fragiliser ma confiance. J’ai une grosse part de responsabilité dans beaucoup de mes mésaventures de ces derniers temps, ce qui m’affecte d’autant plus. Les formats moyens ou longues distances ne peuvent pas en effet laisser de place aux mots anémie, coup de chaleur, hypothermie, manque de sommeil et autres..
Et durant le Volcano Trail le 11 juin en Guadeloupe, est venu se rajouter le mot malchance qui s’est traduit par un accident…
Cette belle épopée Guadeloupéenne a commencé le 7 juin avec un envol sur Pointe à Pitre en compagnie des coureurs Julia Rousset, Vincent Delebarre, Guillaume Lenormand, pour retrouver Karine Herry. Nous quatre avons été invités par l’intermédiaire de Vert-Intense, une association sportive très active connue sur toute l’île pour le développement, la pratique et la connaissance des activités d’eau vive, de VTT et de randonnées .Je tiens à remercier très vivement Eric Barret, Laurence Vaillot et Sébastien Begue pour leur accueil, disponibilité, générosité, et gentillesse. Leur dévouement, professionnalisme et connaissance parfaite du terrain a permis à chaque trailer d’évoluer avec confiance durant toute la course. Une logistique parfaite avec un service de sécurité imparable, merci à toute l’organisation et les bénévoles.
Les 8 et 9 juin ,deux jours pour récupérer un peu du décalage horaire (6h), de prendre du bon temps aussi bien à l’hôtel que dans les fonds marins aux décors d’aquarium !
Une reconnaissance du Nez Cassé, première ascension de la course m’a permis de bien m’imprégner de la beauté mais aussi de la difficulté du terrain .Je vous laisse découvrir de vous-même cette végétation si dense et la beauté du site ! Je rajoute aux photos le chant de la forêt tropicale ! Cette reco m’a permis de jauger mon état de forme, sensations assez bonnes !!
Le jeudi soir une soirée fort sympathique et conviviale avec poissons frais et spécialités de l’île autour de la
table d’Eric et Laurence et la présence de l’ensemble des invités puis de Serge Jaulin et Jean jacques.
Le vendredi 10 juin, place aux préparatifs, dans un gîte à 300 mètres du départ de St claude, aux Bananes vertes. Tout est mis en œuvre par Eric et Laurence pour notre confort optimal .Je prépare mon sac comme à mon habitude sans vraiment prendre conscience de l’élément très perturbateur que nous ne connaissons pas vraiment en métropole !! Devinette !!
Le samedi 11, lever 3h30 et à 4h30 la ligne de départ nous accueille pour un départ 15 minutes plus tard !
C’est donc parti pour 61 kms et 4600+.Chacun d’entre nous est vite mis dans le vif du sujet avec en première ascension le Nez Cassé. La forme est là, les jambes bonnes, l’allure soutenue mais raisonnable. Les kilomètres ne défilent pas vite avec cette technicité et ce pourcentage de pente. Je suis dans les 5 quand on bascule pour rejoindre Matouba et le littoral. Dans la descente je me disais que le Grand raid était presque roulant en rapport !! C’est un peu pour vous situer le truc !!
Le ravito du 10ème arrive et là, je fais une Enorme Erreur !!Tout va pour le mieux, je sais
que celui d'aprés est à seulement 10 bornes de route dont 6 de descente et qu’il est
inutile de remplir totalement mes deux bidons. J’ai totalement oublié que j’étais sur un terrain ou la déshydratation est l’ennemi numéro 1 du coureur à pied! Et que courir sur le littoral totalement exposé des tropiques équivaut à une course en plein désert !! Pourquoi je ne me suis pas arrosé abondamment à ce ravito pour déjà réduire la température corporelle et pourquoi je n’ai pas mis une grosse bouteille d’eau dans mon sac à dos pour la suite !! (Alléger son sac au maximum n’est pas forcément toujours la bonne solution !!). J’aurais du aussi dans mes préparatifs la veille et les jours précédents me conditionner et me préparer mentalement à ce paramètre météo haut combien décisif pour le confort de course et le classement ! Il faut savoir que ce samedi 11, la chaleur était de 30° avec un taux d’humidité de 85% sans un brin d’air marin ! Deux difficultés non perceptibles sur les photos !! Et pas vraiment perceptible par moi même tant que le couperet n’est pas tombé : La surchauffe !! Ce mécanisme de thermorégulation qui ne fonctionne plus : les conséquences sont dramatiques ! C’est incroyable mais j’ai quasi fait la même erreur au ravitaillement de la distillerie de Bologne au 20éme kil (un bidon de
rhum m’aurait peu être requinqué! !!). Ce phénomène est venu m’envahir de tout mon corps sur la partie finale du littoral, vers le 23éme, juste avant la marina ! D’un état très dégoulinant vous passez à un état très sec, une allure qui s’amenuise, la tête qui chauffe, une énergie qui se volatilise…une lucidité qui diminue…
Je languis de l’ombre, un semblant de fraîcheur Elle arrive rapidement dés que je m’engage dans ce nouveau sentier en direction de Grande Voûte, un des trois sommets des Monts Caraïbes. Je sens que le mal est fait et prends à ce moment là totalement conscience de mes erreurs de gestion ! En classement je suis encore 5 avec pas mal d’avance à priori car je traîne, m’arrête, repars sans qu’aucun coureur ne passe ! En milieu d’ascension alors que je vais au strict ralenti Gerard Loustalot qui arrive sur moi et qui me réconforte, puis Karine Herry qui me retrouve stoppé sur le chemin .Elle préfère prévenir l’organisation qui envoi une assistance. Je bois un peu de sa soupe puis elle repart, merci Karine. Trois coureurs me dépassent dont Mathias qui me connaît au travers de mon blog et qui m’encourage vivement avant de reprendre sa route. Je repars 10 minutes plus tard avec Gerard, un sacré bonhomme ! , je sens que je me refais une petite santé. Le pourcentage de pente est énorme !!J’entame la descente avec un peu de panache et je croise le secouriste venu à ma rencontre, je m’arrête pour le remercier et le rassurer. Il me déverse trois litres d’eau sur tout le corps ! Mon dieu que ça resource !
Je repars pour retrouver le ravito du 30ème, j’évite les erreurs précédentes, je salue
Laurence qui prend des news et en avant pour l’ascension du Vent Soufflé. Je redouble deux coureurs puis revient sur Mathias. La pente est terrible, les organismes sont sollicités, j’ai chaud et je manque très vite d’eau ! Je prends régulièrement des feuilles humidifiées à la terre du sol pour me rafraîchir légèrement le visage .On se motive l’un l’autre avec Mathias, un local fort sympathique qui passe aussi un moment douloureux dans cette ascension .Puis arrive le haut pour basculer. Mon allure devient quasi normale dans l’entame de la descente qui demande beaucoup de vigilance !
J’enchaîne deux trois lacets très raide quand soudain ma chaussure droite se bloque nette en arrière (le crochet de ma mini guêtre qui est venue s’accrocher à une petite racine mobile !!) Je n’ai pas le temps d’envoyer la gauche pour me rattraper et c’est un plongeon vers l’avant. Je tombe de tout mon poids de face sur la poitrine !! Mes bidons placés devant le sac font office d’Airbag mais le choc me défonce complètement l’épaule droite. J’entends encore ce bruit sourd en moi !! je regarde et je comprends très vite en voyant ce décalage entre mon bras et l’emplacement initial. La douleur se manifeste très vite et augmente au fil des secondes. J’hurle ma souffrance en sachant que Mathias allait bientôt arriver ! Quand il constate l’accident il prévient par téléphone (merci le réseau) l’organisation de course qui envoie immédiatement l’équipe médical de secouristes. Mathias repart dans sa course, le temps passe, la douleur est horrible, un trailer Docteur arrive, fait un diagnostic de l’épaule, luxation postérieur qui signifie certainement opération, il tente de me soulager avec un anti-douleur mais pas assez fort. Je le supplie de me la remettre mais malheureusement il ne peut pas prendre cet engagement et je comprends. Je lui demande de se remettre dans sa course, que j’étais très lucide malgré la souffrance. Je tiens à remercier tous ces coureurs qui ont mis de coté la compétition, la course pour me porter aide, assistance et soutien moral ! Quelle belle épreuve de sportivité et d’humanité de voir la deuxième féminine, Julia Rousset qui stoppa sa course au moins 20 minutes et qui a rappelé la direction de course pour connaître l’évolution des secouristes. Ils arrivent à trois, tous formidables avec les mots et les gestes qui font du bien. Ils ne sont pas habilités à me donner des médicaments mais deux docteurs de l’hôpital ont été alertés et ont commencé l’ascension pour me rejoindre. Les secouristes me glissent une longue attelle le long du bras tendu pour éviter toute vibration. Cette douleur toujours aussi intense me fait sortir les tripes de cri, m’essouffle et me fait trembler. Il m’informe qu’aucune possibilité h’hélitreuillage est possible avec la densité de la végétation. Les docteurs arrivent, ils ont tout donné pour me rejoindre au plus vite !!Ils se reprennent 30 secondes puis m’injectent rapidement une dose de Profénid dans la fesse. En attendant que ça agisse un peu ils m’expliquent la situation, que la descente en brancard demanderait beaucoup d’hommes vu la très haute technicité du profil et de temps et que l’idéal serait que j’ai la force physique et mentale de descendre avec mes propres guibolles ! Je comprends très bien la situation et j’approuve en leur demandant simplement de me soulager. Allongé sur le dos chacun m’aide à me relever pour entamer cette fichue descente ! La douleur m’irradie le corps mais j’arrive tout de même à trouver les appuis pour rester droit .Un pied devant l’autre et la main gauche sous le poignet droit pour réduire les vibrations de l’épaule ! Vingt minutes plus tard les docteurs m’injectent une deuxième piqûre de Profénid pour combattre à nouveau la souffrance ! On m’explique qu’un 4x4 m’attend et que je devais encore tenir 20 minutes ! Ce trajet en 4x4 sur la route carrossable pendant 10 minutes a été atroce avant de retrouver la route pour rouler en direction de l’hôpital de Basse Terre. Aux urgences ce fût tout de suite la morphine pour tenter de me calmer, puis une radio de l’épaule qui annonce une bonne nouvelle :pas d’opération !! La souffrance ne diminue pas et c’est une deuxième injection puis troisième de morphine. La douleur est d’autant plus grande car les docteurs me manipulent le bras pour tenter la remise en place. C’est au bout de 40 minutes qu’ils arrivent à leur fin et que la douleur disparaît immédiatement. Un calvaire qui se termine après 4 heures d’incertitude .Jamais je n’ai souffert à ce point et jamais j’aurai pensé qu’une douleur puisse détruire à ce point, me mette dans cet état si minable de perdition…
Laurence vient me récupérer à l’hôpital, me ramène au gîte avec le bras en bandoulière. Je mange une première fois puis ensuite je retrouve vers 19 heures le lieu d’arrivée à St Claude pour profiter de l’événement, de voir arriver certains concurrents et d’être tous ensemble ! Je ne ressens à ce moment là plus aucune douleur à nulle part avec des jambes au top prêtes à reprendre un départ, et le soir même impossible de fermer l’œil, et tout cela à cause que la grande dose de morphine : Je comprends nettement mieux maintenant pourquoi certain tricheurs sont adeptes !! .Le lendemain tout va très vite, la remise des prix puis retour vers Pointe à Pitre pour reprendre l’avion à17h15.
Et durant le vol c’est le revers de la médaille, je sens que les douleurs commencent à se réveiller !! A l’atterrissage à Marseille le lundi 13 juin la grosse fatigue me prend ainsi que des douleurs aux hématomes dues à ma chute. Mes cotes coté droit me font mal et j’ai une très grosse douleur à un doigt de pied à ne pas pouvoir mettre le pied au sol..
Le mardi 14 je consulte un médecin qui me prescrit une radio : Aucune fracture du doigt de pied !
Le mercredi 15 je consulte l’Orthopédiste pour le suivi de mon épaule et qui m’annonce pour mon pied une crise de goutte déclenchée par le stress de l’accident et un taux d’acide urique élevé !! Un traitement est mis en place !
Le vendredi 17 juin je commence à faire surface, me sentir mieux avec beaucoup moins de douleurs !! Ouf
A part ça tout va pour le mieux et Vive le Sport
GUADELOUPE-2011 ALBUM PHOTOS
Hervé