Je veux tout d’abord SALUER LA DECISION en pleine course de Serge Jaulin à savoir de détourner 90% des coureurs sur le parcours du 24 kms pour éviter la partie sommitale apocalyptique !!! Cette décision d’urgence, pas facile à prendre, a certainement permis de réduire beaucoup de risques et d’accidents !! Merci à tous les bénévoles qui ont dû affronter les conditions extrêmes, qui ont réconforté, aidé tous les trailers en perdition. Merci à Christine Jaulin que je vois encore sur les crêtes au milieu de personne pour analyser la situation…A Olivier Luppi .. J’ai fait parti des 10% (110 coureurs exactement) à franchir le sommet…Les mots qui vont suivre vont sûrement opter les derniers petits doutes que pourraient avoir quelques coureurs encore frustrés de devoir réduire de moitié le kilométrage prévu !
Situation de l’extrême : Mais comment cela peut-il être possible ? On pourrait se dire que le Ventoux, même en culminant à 1900 mètres reste un sommet de Provence qui échappe aux aléas imprévisibles de hautes montagnes ! On pourrait se dire que la semaine qui a précédé était tellement printanière qu’un short avec un manche courte et un petit coupe vent devaient largement suffire. On pourrait se dire que la douceur sur la ligne du départ (même si la fraîcheur était annoncé sur le haut) avec une vue dégagée du sommet ne pouvait laisser aucune place à une situation météo dangereuse ! Et pourtant !! Renversement de situation: Sur quelques kilomètres c’est l’instinct de survie qui fût la préoccupation d’un bon nombre de coureurs dont je fais parti.
Chaque coureur peut physiquement s’adapter et se conditionner à une situation de brouillard, de vent ou de pluie même si ce n’est pas une situation agréable et confortable !! Mais quand le FROID s’invite à ces trois éléments alors le coureur qui n’a pas de vêtements chauds ne maîtrise plus la situation mais la subit totalement : ce fût le scénario pendant la course.
Un brouillard à couper au couteau, pour ceux qui connaissent le site, sachez que l’immense parabole n’était pas visible (même en y passant devant), que les poteaux après le pic se distinguaient à peine ! Que ce nuage posé comme un chapeau sur tout le haut nous a déversé sa pluie glaciale amplifiée par un vent très violent ! Un vent présent sur toute l’approche très longue pour atteindre le sommet. Résultat : Une température ressentie de -10° pendant 1 heure.
En ce qui me concerne j’ajoute à cet épisode de l’extrême quelques minutes de jardinage juste après la bascule, Christine m’a bien dit de suivre les poteaux rouges mais le doute s’est installé et j’ai fais demi tour : conséquence un stress de course et une diminution du rythme qui va accélérer le refroidissement de mon corps ! Je passe à ce moment là d’une situation d’inconfort total à une situation de survie ! J’ai alors le faciès qui se raidit tellement j’ai froid et j’ai du mal à cligner des yeux, conséquence : Mes lentilles s’assèchent, j’y vois encore moins ! Ma grosse erreur fut aussi de ne pas enfiler mon coupe vent sur la partie basse et avant le sommet mais je pensais que la météo serait beaucoup plus clémente de l’autre coté !! Après c’était trop tard, impossibilité de faire le moindre mouvement des doigts (j’avais des petits gants).J’ai souffert…
Retour sur ma course.
Au départ mes sensations sont relativement bonnes malgré ma course de dimanche dernier et un entraînement pas très adapté jusqu’à jeudi !! je fais un peu abstraction de ce léger manque de fraîcheur et reste confiant. Mais j’avais tellement envie de prendre le départ pour le parcours et le plateau annoncé !
Un départ donné à 8h30 pour l’ensemble des coureurs du 24 et 46 kms, environ 1500 coureurs. Bien entendu le scénario bien connu des débuts de course n’échappe pas à la règle !! Certains coureurs se laissent entraîner par l’allure donnée en tête de course !
Me concernant la distance du trail me dicte un départ prudent .Quelques mots par ci par là avec quelques coureurs sur le premier kilomètre puis je me mets dans mon rythme ! Pas question de me mettre en surrégime, à aucun moment car le but pour moi est de donner le meilleur de moi mais tout en étant bien à l’arrivée pour poursuivre ma préparation pour l’Occitane 6666.
Je suis très régulier dans mon allure ce qui a pour conséquence de doubler au fil des kilomètres bon nombre de coureurs, plus ou moins aguerris. A la bifurcation du 24, au 17ème kilomètres, je dois être dans les 20 et continue mon ascension : Je cours de partout même dans les portions les plus raides ce qui me permet de remonter encore et toujours avec du plaisir et sans se prendre la tête …Les encouragements le long du parcours sont très nombreux, ça fait chaud au cœur..
Je me rapproche tout doucement de ce brouillard qui s’était mis en place la haut après le départ ! Mais aucune inquiétude de ma part, je suis bien, pas froid, je m’alimente bien et je progresse dans le classement ! On ne peut pas mieux espérer !!
J’entame le début des crêtes et là tout est différent, une deuxième course se met en place. Vent et brouillard s’invitent discrètement. Je reste confiant, la montée aidant j’ai même encore chaud et ne me soucie pas de mettre le coupe vent ! Erreur. Le terrain devient de plus en plus accidenté avec un long passage de très gros cailloux, une visibilité de plus en plus réduite .Ainsi mon allure est réduite et ma température corporelle commence à chuter ! Mon état d’esprit se modifie et je me dis vivement la bascule pour retrouver l’accalmie !!
Le vent se durcit fortement ainsi que le brouillard avec en plus la pluie qui pointe son nez ! Ça devient vraiment difficile !! Je croise Christine Jaulin, postée toute seule sur les crêtes , qui me demande si ça va, si je n’ai pas trop froid et qui me donne les consignes de route après la bascule ! Je n’étais pas encore en situation délicate et je la réconforte dans ma réponse ! Je me dis que la présence de Christine à cet endroit là n’était pas synonyme de bonnes nouvelles pour la suite mais je continue, le sommet n’est vraiment pas loin.. Je double alors Stéphane Bégaud et Renaud Castigliani (ils abandonneront un peu plus tard). Le froid me fige, vite la bascule vite vite…Et la fameuse bascule arrive,je regarde tout de même ma montre pour me faire une idée du reste, je suis à 22 kms en 2h28 ! le pire est là. La pluie devient redoutable avec de la grêle qui me fouette le visage et le vent s’engouffre au plus profond de moi.. J’aperçois tout juste la route et je me souviens des mots de Christine : suivre les poteaux rouges ! C’est ce que je fais mais un doute s’installe, le brouillard est si épais que cette couleur rouge n’est pas si évidente à détecter. Je ne vois pas de rubalises, je m’arrête, je repars puis décide de faire demi tour jusqu’au sommet. Je pense que cet épisode de jardinage a aggravé la situation : Je ne maîtrise alors plus du tout mon corps. Mais je me dis que la seule solution est de continuer à courir. Sur le haut je retrouve 4 coureurs dont un qui connaissait bien le secteur, ouf ! En fait j’étais sur le bon chemin.. Grrr..
Le froid me paralyse et mes lentilles me jouent un mauvais tour !
De plus une partie légèrement boueuse alimente la difficulté avec la présence de petits cailloux dans la chaussure. Donc 5 kilomètres de l’enfer pour arriver au ravitaillement du chalet Reynard au 28ème. Un accueil vraiment chaleureux, une soupe chaude, merci à vous tous. L’idée d’abandonner ne me traverse pas trop l’esprit en me disant que la galère est passée.
En effet la météo est moins difficile avec dissipation du brouillard, vent et pluie nettement plus faibles..Le souci est que je suis en descente, que je suis trempé, et que le froid est en moi ! Au 30ème je remercie une bénévole qui me déplie mon coupe vent et m’aide à l’enfiler. Toute cette portion a bien entendu réduit terriblement mon allure, trois coureurs me doublent mais peu importe, je suis à la recherche du bien-être physique..je repars et au 32ème , aux pieds de la nouvelle ascension, le poste de contrôle m’annonce que je dois stopper la course sur décision de l’organisation car en hypothermie Je comprends tout à fait cette décision mais je me sens tout à fait lucide .Les 7 kilomètres à venir sont en montée et en balcon et explique que cette portion permettra de me réchauffer. Après quelques minutes j’ai le feu vert de la direction pour repartir.
La montée me permet de reprendre une température normale et de me remettre dans des conditions quasi normales de course (j’ai même quitter mon coupe vent sur la fin).Je dis quasi normale car je vous laisse imaginer la perte de calories et d’énergie occasionnés par cette péripétie !
Je franchis la ligne d’arrivée avec une condition physique relativement bonne mais avec une émotion très forte qui m’envahit. J’exprime au micro de Thierry Merillo mon épopée en quelques mots et je file me changer…
L’info suivante est secondaire dans ce vécu de course mais je finis en 4h59, 21ème !
L’après course s’est traduit par une relâche nerveuse avec fatigue et un féroce appétit.
Cette course restera gravée dans les pensées de chacun. Je reviendrai en espérant affronter le sommet dans de meilleures conditions.
Finalement aucun incident majeur n’a été à ma connaissance décelé et j’imagine l’immense soulagement de Serge Jaulin, à l’arrivée du dernier concurrent !! Je viens d’apprendre à l’instant en finalisant mon récit qu’il est tombé dans la nuit du dimanche 27 mars 30 cms de neige en dessus de 1400 métres…Une difficulté supplémentaire pour le débalisage..courage..